Ou peut être faudrait il dire « fondeur » « maitre fondeur », cet ouvrier métallurgiste de haut niveau de compétence qui travaillait autrefois dans les hauts fourneaux. Rien d’étonnant d’ailleurs qu’un des livres de JPD (paru chez Cheyne) s’intitule « Fondrie » : livre écrit en Haute Marne à l’occasion d’une résidence et consacré à une ancienne fonderie d’art. Dans le dernier texte JPD énumère avec admiration et respect « le dessablage l’ébarbage le réparage et le ciselage et l’ajustage » et autres opérations savantes, et termine par un hommage fraternel à « l’attachement l’estime pour son travail de l’ouvrier …seule vraie marque de fabrique ».
J’ai la même admiration et le même respect pour le travail de Jean Pascal. Parce que c’est vraiment lui aussi un maitre ouvrier de ses textes et un « horrible travailleur ». Toujours insatisfait, toujours désireux de mieux, toujours lui aussi à ébarber ses poèmes à les ciseler les ajuster. Ce n’est pas par coquetterie qu’il fait figurer en fin d’un autre de ses livres « Monstres Morts » parus chez Obsidiane, un « explicit » retraçant la fabrication du livre de 22 juin 2000 au 9 septembre2002 (« relecture cinquième écriture et fin »). Et dans un texte publié dans le dernier numéro de cette super revue qu’est « Dans la lune » il écrit : « je remonte dans ma cellule empressé de retrouver mon cahier de brouèmes encore ouvert, plus noirci de ratures que de mots »
Dans un poème de Jean Pascal (et dans la construction d’un livre complet) rien n’est laissé au hasard, tout est minutieusement agencé, méticuleusement agencé. Chaque mot, chaque tournure, chaque virgule est savamment disposé à sa place juste, là où, comme un rouage minime mais indispensable, il joue son rôle exact dans le grand jeu du poème. « Je cherche, écrit il dans « vers à vif » un bouquin qui vient juste de sortir chez Obsidiane, je cherche un bon arrangement à ce bordel de mots qui m’use joyeusement » Oui vraiment nul laisser aller dans l’œuvre de Dubost, mais une extrême rigueur. Et comment appeler autrement que « style » cette rigueur là ?
La poésie de JPD est extrêmement stylée !
Mais que cela ne vous amène pas trop rapidement à de fausses conclusions : travail rigueur – j’aurais pu écrire aussi exigence (ah dieu sait si cet animal est exigent et pas qu’en poésie !!!). Que cela donc ne vous fasse pas accroire que nous avons affaire à une poésie dépouillée, ascétique, voire pis froide desséchée puant le laboratoire (comme on en connait quelques unes). OH QUE NENNI ! Quel contre sens ce serait. Ce gars est accro à Rabelais et à Kerouac c’est tout dire !
Car si JP est un travailleur acharné de la langue, c’est aussi un sapré jouisseur des mots ! Un gourmet, un gourmand et même carrément un vrai goinfre, un ripailleur Dans le texte de « dans la lune » il écrit ainsi « Rabelais leva les interdits et m’autorisa à parler la bouche pleine : le poète parle la bouche pleine de mots » ! Et là je l’assimilerai volontiers à un cuistot, à un maitre-queue ! Dépiautant les mots, les malaxant, les pétrissant ! Et vas y que je rajoute une pincée d’ancien françois langage, une giclée de franc parler paysan venu des territoires sonores de l’enfance, une rasade de parlure bistrotière, et que je t’assaisonne d’une citation d’un poète de la renaissance (parmi ses préférés) .Et il surveille ensuite attentivement la cuisson, goute regoute. Et les sauces ah les sauces syntaxiques de Jean Pascal : grand veneur ! épicées ! Sur que ça n’est pas mets pour appétits chétifs, chipoteurs amateurs timides et inquiets pour leurs petits estomacs fragiles d’écriture « déshydratée et désincarnée ». I
Il y a d’ailleurs dans son bouquin paru récemment chez Tarabuste « Fatrassier » une section intitulée « mangeries » composée de « brouèmes manducatoires » de haute graisse verbale et incroyablement gouteux !
Qui dit cuisine dit boisson, je filerai donc une dernière métaphore pour présenter Jean Pascal : maitre fondeur, maitre queue il est aussi maitre vigneron ! Cet homme (qui est aussi un incroyable passeur de poésie via ses activités critiques dans les revues, via son rôle désormais de président de la maison de poésie de Nantes, ce gars donc lors d’un séjour dans la région de Reims a mis sur pied des lectures qu’il appelle les Dithyrambes : à chaque fois sont invités un poète qu’il présente, et un vin que présente un de ses potes viticulteur champenois ! Mélange admirable ! Vigneron donc et de champagne , ce vin d’assemblage où tout l’art est de doser cépages ,terroirs , années , de surveiller les processus de champagnisation , etc C’est ce que fait Jean Pascal Dubost avec un doigté qui s’affirme de livres en livres , avec un savoir faire de plus en plus admirable , d’où des livres grand crus de plus en plus capiteux , de plus en plus charnu . La poésie de JP ça n’est pas du petit vin de soif qu’on avale comme ça sans y prêter attention , mais du millésimé , qu’il faut déboucher avec soin , faire tourner dans son verre , humer longuement , et déguster à petites slurpées jouisseuses .Mais tout aussi bien on peut se la lamper à plein hannap : et s’échauffer véhémentement le ciboulot jusqu’à chanter matines à minuit et vespres au petit matin . Moi j’avoue qu’elle m’enivre plus que plaisamment la poésie de Jean Pascal.
Alors, prêts à la dégustation. Tous à table ! " Cette grande table écrit JP qu’est la langue""